Oui, oui, je ne jure que par le genre young adult, ou jeune adulte comme on pourrait traduire en français, et par conséquent, c’est normal que ma liste de lecture comporte majoritairement ce genre (le reste est de la SF généralement). J’ai fait de belles découvertes ces derniers temps, et rien n’est plus satisfaisant que de donner un coup de pouce même minime à des auteurs (jeunes pour la plupart) en les promouvant. Eh non, ce ne sont pas que des romans dystopiques cette fois-ci !
Radio Silence par Alice Oseman
Je commence par un roman d’une jeune autrice que j’ai découverte en convention. La manière dont les autres intervenants de son panel parlaient de son livre et sa propre manière de s’exprimer m’ont fortement intriguée. Ni une ni deux, je l’ai donc cherché tout de suite après le débat et j’ai fini par le dévorer. Grosso modo, ce que je reproche souvent aux livres YA, c’est les histoires de romance omniprésentes. Même quand les auteurs font semblant d’être nonchalants vis-à-vis de la thématique romantique, eh bien c’est toujours là en toile de fond. Ce n’est pas le cas de Radio Silence. Ça parle de crise identitaire oui, de remise en question d’orientation sexuelle, de trauma familial, d’amitié, et tout ça saupoudré des meilleures références à la pop culture auxquelles vous pouvez penser (ça implique Vampire Weekend et Parks and Recreation).
Frances n’a qu’un seul but, obtenir les meilleurs résultats possibles au lycée pour tenter de décrocher une bonne école pour ses études supérieures. Tant pis si elle n’arrive pas à être elle-même ailleurs que dans sa chambre en écoutant son podcast favori. Pour le reste du monde, c’est la première de classe, mais pour Aled dont elle fait connaissance lors d’une fête, il semblerait que ce soit son âme sœur. Je n’ai pas de mots pour expliquer à quel point les personnages sont attachants et à quel point on peut s’y identifier quand on a été l’élève un peu bizarre et en marge de sa classe à l’école.
Dans le livre, l’auteure dit à un moment en parlant du podcast fictif qu’on ne sait pas trop pourquoi l’histoire nous happe autant, mais on est juste en osmose avec les personnages et on a envie de savoir ce qu’il leur arrive. Et je pense que c’est exactement ce que j’ai ressenti en lisant le bouquin. Et situation assez rare pour le mentionner, l’héroïne n’est pas insupportable. Malheureusement, il n’a pas encore été traduit en français (franchement, je ne comprends pas pourquoi, qu’est-ce que les éditeurs attendent ?!) donc il n’est disponible qu’en version originale.
(L’un des derniers romans d’Alice Oseman est I Was Born For This et ça traite merveilleusement bien de tout ce que ça signifie que d’être un/e fan de quelque chose et de la célébrité, mais aussi de la transidentité et c’est dingue.)
La trilogie de La Faucheuse par Neal Shusterman
Bon, il faut quand même de la dystopie, sinon ce serait pas une de mes sélections ! Deux tomes de cette trilogie ont été publiés pour le moment et le dernier ne devrait pas tarder à arriver. Imaginez une société où la médecine et la technologie avancées ont éradiqué la mort tout simplement (ainsi que la guerre, la famine, tout ce que vous voulez) et une entité appelée le Thunderhead, une intelligence artificielle ultra avancée née du cloud, gère tout ce petit monde pour le meilleur (vraiment, ce n’est pas ironique). Pour réguler la population, des Faucheurs sont désignés par une autre entité indépendante et ont droit de vie ou de mort sur la totalité du monde. Enfin, en respectant des quotas bien entendu.
Ce n’est pas toujours facile de parler de mortalité, surtout dans un roman pour ados, et pourtant Neal Shusterman le fait avec tant de facilité et d’émotion. Limite, il y a une vision philosophique dans son œuvre et c’est à double-tranchant. C’est l’un de ses meilleurs atouts, mais aussi défauts. En fait, c’est difficile de croire que Citra et Rowan n’ont que 16 ans au début de l’histoire. Un autre point non-négligeable, ça fait du bien de lire un bouquin où l’auteur ne prend pas son lectorat pour des idiots. Tout ça pour dire, enfin un YA écrit à la troisième personne, et en plus pour une fois, les personnages secondaires ne sont pas en reste tant dans leur développement que leur caractérisation.
Je ne pensais pas ça possible, mais le tome 2 est encore meilleur que le tome 1. La mythologie des Faucheurs est hyper intéressante et le monde qu’a créé Neal Shusterman est très riche. Vu le succès, ce n’est pas trop étonnant d’apprendre qu’il va être adapté en film. À part ça, il a récemment co-écrit un one-shot avec son fils, Dry, et si son style vous a plu, je ne peux que conseiller ce livre-là dans la veine des Chroniques de fin du monde.
Elia, la passeuse d’âmes par Marie Vareille
Je passe rapidement sur cet ouvrage là, mais je voulais le mentionner quand même car il s’agit d’une saga française. Et en YA à la française, je n’en connais pas tant que ça mis à part Le passe-miroir (pluie de cœurs pour cette série, tellement hâte d’avoir le tome 4) ! Bon, d’accord, c’est encore et toujours de la dystopie, et même si ça coche toutes les cases habituelles de système de castes, rébellion en vue, héroïne élue comme par hasard, eh bien l’univers imaginé par Marie Vareille est vraiment très cohérent.
Il y a des bémols, je déplore notamment la longueur des romans bien trop courte à mon goût et rend l’histoire un peu paresseuse. Mais c’est largement compensé par l’envie de terminer le bouquin.
Dans chacun de mes mots par Tamara Ireland Stone
À mettre de suite dans la liste des livres pour ados obligatoires à l’école pour mieux comprendre les gens autour de soi. Samantha McAllister fait partie des élèves très populaires du lycée et en apparence s’en satisfait, mais elle cache à ses amies les plus proches qu’elle souffre de troubles obsessionnels compulsifs. Elle fait alors la rencontre de Caroline et c’est le coup de foudre amical. Sam peut enfin être elle-même avec quelqu’un. Sa nouvelle amie l’amène au Coin des Poètes, où des étudiants se réunissent pour déclamer des textes qu’ils écrivent, et pour la première fois, Sam se sent à sa place.
Un peu de poésie dans ce monde de brutes. Dans chacun de mes mots parvient à sensibiliser les lecteurs sur le sujet des TOC et le fait de manière plutôt exacte si j’en crois les divers commentaires que j’ai pu lire, et tout ça en insérant des poèmes au cours de la lecture. Ce TOC, d’avoir des pensées violentes/sexuelles/dégradantes ou la phobie d’impulsion est plus commun qu’on ne le croit. Environ 2% des adultes souffrent de TOC et le quart d’entre eux de phobie d’impulsion (non, ce n’est pas forcément de la dépression ou de la paranoïa). D’ailleurs, la série anglaise Pure le dépeint très bien aussi, si ça vous intéresse d’en savoir plus sur le sujet. Bref, tout ça pour dire que le bouquin m’a ouvert les yeux sur ce sujet et qu’il vaut la peine d’être lu.
An Absolutely Remarkable Thing par Hank Green
Bon, celui-ci, j’ai un peu hésité à le mettre car je ne sais pas trop si on peut le qualifier d’un YA ou non, vu que la plupart des persos sont des twentysomething… Mais c’est un bouquin tellement bien que finalement, pourquoi pas, hein. Première chose à dire, il n’y a pas encore de trad française, mais vu que c’est un Green, j’espère que ça va se faire. Oui, un Green comme dans John & Hank Green des vlogbrothers ! Pour ceux qui suivent leur chaîne YouTube depuis la nuit des temps ou plus récemment (comme moi), eh bien sachez que les deux ont autant de talent l’un que l’autre.
Et donc, quand Hank écrit un bouquin sur comment une jeune étudiante appelée April May (j’adore le nom déjà) est propulsée sous les feux de la rampe en devenant une superstar YouTubeuse, il sait de quoi il parle. Même si la vidéo qui l’a rendue célèbre se trouve être l’arrivée des « Carl » partout dans le monde (des sortes de robots à la provenance inconnue). Oui, on a un soupçon de science-fiction dans An Absolutely Remarkable Thing. Faut dire qu’il est fort le Hank, car April May est tout simplement la pire des héroïnes, elle est narcissique, nombriliste, carrément relou par moment, mais dans cette histoire, elle est si identifiable et gagne en sympathie.
Si je devais décrire ce bouquin en un mot, je dirais qu’il est « woke » et Dieu sait que je déteste ce terme lorsqu’il n’est pas utilisé ironiquement. Pourtant, c’est vrai. Il y a tout ce que j’aime dans le YA, de l’inclusivité, des discussions qu’on ne lit pas souvent dans des livres, la crise du quart de siècle (tout ça peut s’appliquer à Radio Silence aussi sauf le dernier point of course). La suite arrive bientôt, et c’est clairement un page-turner.